L’escalier (#1)

Il fait chaud. Jules attend. En haut de l’escalier, au dernier étage, il espère sa venue à chaque claquement de porte, à chaque entrée de lumière.
Seuls les déplacements des voisins alimentent sa gourmandise. Il écoute leurs voix, leurs pas rapides ou saccadés, les bruits de clefs. Il imagine leur vie cossue, au cœur de ce bel immeuble bourgeois, respire l’encaustique des boiseries fraichement entretenues, répète les mots qu’il lui dira.
Il se sent bien. Avec nervosité, il réajuste le col de sa chemise, les boutons de son veston. Il a mis du temps à le choisir et espère qu’il lui plaira. De couleur sombre, il donne à son corps une allure gaillarde et solide, dessine ses courbes avec élégance donnant encore plus d’éclat à sa peau laiteuse. Ses chaussures en cuir lui font mal au pied. Il se déchausse et s’assoit sur la dernière marche.
La nuit descend sur Paris. Il attend toujours. Il doute. De l’adresse, de son jour de retour, de son envie de la revoir. Et si la concierge s’était trompée ?
La minuterie de la lumière de l’escalier est fugace. Il renonce rapidement et apprivoise l’obscurité comme on apprivoise l’absence, avec la peur du vide.
Son attente est une folie, un caprice. Il s’entête. Se souvient de leur rencontre, du bar pmu et de Dalida, de sa timidité, des sifflements de ses collègues, de ses silences, de sa mélodie. Il s’accroche à son rêve et s’adosse au mur. La nuit s’installe. Il s’endort.
Une porte claque, la lumière s’allume, des bruits de pas résonnent dans le colimaçon de l’escalier. Des mots, des rires s’envolent. Il ne les entendra pas. Jules est reparti, las de sa propre espérance.
Prêt du paillasson, deux souliers abandonnés. Simon éclate de rire, Rebecca ne comprend pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 commentaires

  1. Je suis toujours aussi conquise par ton univers la beauté de tes mots Emma. Je me suis attachée à Jules et je suis certaine que d’autres le seront tout autant très prochainement. Bisous

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    1. bientôt, bientôt 😉
      Jules est le personnage principal du roman en route dans les méandres de maison d’édition.
      mais, comme j’ai du mal à m’en « séparer », j’imagine des suites à partager sur mon blog…à suivre donc 😉

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